-Article du monde - 8éme Edition de la nuit blanche parisienne - manifestation culturelle sur l'Art contemporain-

Publié le par versa

Pour sa 8e édition, la Nuit blanche parisienne a profité d'une météo clémente et rassemblé près de 1,5 million de personnes dans les trois quartiers choisis cette année. Promenade.

20 h 30, Centre culturel irlandais

A intervalles réguliers, les masques à gaz que Malachi Farrell a placé en ligne sur des socles métalliques entrent en transe : ces chiens monstrueux balancent leurs museaux en cadence. Un nuage de fumée s'échappe d'une cantine et noie la scène, éclairée par deux faisceaux de lumière rouge sang. C'est grotesque et mordant.

22 h 30, Forum des Halles

Au Monop', Garance Stassart a habillé des mannequins avec des vêtements qui se mangent, cheveux en chocolat, jupes en sucre. De quoi "valoriser le caractère intime de la pratique gourmande", dit-elle. On touche, on renifle, on pose devant pour la photo. Surtout, on n'oublie pas de faire ses courses. Dans l'allée Supervielle, une vidéo de François-Xavier Courrèges montre en continu, sur fond musical, un petit coeur rouge en plastique dont les diodes clignotent puis s'éteignent. C'est joli. La preuve : tous les spectateurs portent le même petit coeur sur la poitrine. Le badge a été offert par le Forum des Halles, "coeur de Paris", qui fête ses 30 ans par ce sommet d'art commercial.

22 h 45, Luxembourg

Effroyable bousculade à la grille du jardin, énervements. La grosse boule à facettes que Michel de Broin a suspendue à 40 mètres au-dessus du grand bassin est annoncée comme l'attraction de la Nuit blanche. L'exploit technique est gâché : la flèche de la grue se voit trop. Mais le parc, dans le noir, convient aux couples - à ceux qui ont réussi à entrer en tout cas.

23 heures, Saint-Eustache

A l'entrée de l'église, George Nicholson accueille les visiteurs en leur serrant la main : "Je suis le curé ! ", dit-il à ceux qui s'étonnent. Saint-Eustache aime depuis longtemps l'art contemporain et expose en permanence des oeuvres. Ce soir, elle accueille une vidéo de Mark Wallinger, simple et impressionnante : au ralenti, les arrivées des passagers dans un hall d'aéroport international. La musique doloriste - Miserere d'Allegri - et la majesté des lieux donnent à cette scène banale une autre dimension : ces passagers hésitants, valise à la main, semblent arriver au paradis.

23 h 30, parvis de l'Hôtel-de-Ville

C'est le centre de la Nuit blanche, mais le public est clairsemé. Et pour cause : on devait voir ici la vidéo de Kimsooja. Mais pour la deuxième fois, l'écran en toile vient de s'écrouler, victime de la brise. "Cette fois, il est cassé", soupire le technicien.

Minuit, Notre-Dame

C'est la première fois que la cathédrale est ouverte pour la Nuit blanche et la queue serpente à travers tout le parvis. A l'intérieur, le visiteur a le choix : aller au confessionnal - ouvert malgré la foule -, ou regarder les cristaux colorés et lumineux qu'a posés Sylvie Fleury dans les petites chapelles. Bleus, verts ou jaunes, ils brillent dans la pénombre, note kitsch à côté des statues.

Minuit, le 104

La fête bat son plein. La foule se réjouit de n'avoir pas eu de queue à faire. Ambiance mi-tsigane, mi-fête de Bayonne au sous-sol, où un concert est donné. Boutiques, baraques à frites, ateliers... Les quatre vidéos sont noyées dans le brouhaha.

Minuit, Ecole normale supérieure

Normale-Sup est fidèle à sa réputation : il est difficile d'y entrer. Queue sur le trottoir et dans les couloirs. On s'agglutine devant les écrans où sont diffusées les conférences loufoques d'Eric Duyckaerts. Des bouffées de rire s'élèvent. Salle Dussane, où parlèrent Lacan et Derrida, Duyckaerts est là en personne. Il disserte sur les réflexes de la limace de mer, qui n'a que 10 000 neurones, la pauvre. L'auditoire médusé s'inquiète auprès des médiatrices : ce savant enseigne-t-il à Normale sup ? Dans la cour, atmosphère plus grave : s'y succèdent les vidéos de Pascal Convert, Camille Henrot et Myriam Mihindou, fables visuelles du temps et de la destruction.

1 heure, place Stalingrad

Cris de joie et de victoire : derrière le bâtiment de l'octroi, la Costaricaine Priscilla Monge a sculpté un terrain de foot tout en micro-collines qui bouleversent les règles du jeu. Les équipes du quartier y rivalisent d'adresse et de culbutes, entourées d'une foule enthousiaste. Populaire mais pas démago.

1 h 30, Saint-Séverin

Quand s'élève la musique du Forty-part Motet de Janet Cardiff, les visiteurs se pétrifient et beaucoup ferment les yeux. D'un chant de 1573, elle fait une sculpture immatérielle grâce à 40 hauts-parleurs - et grâce à l'architecture admirable du gothique. Simplement bouleversant.

2 heures, Buttes-Chaumont

Sur le lac, des lumières bleues qui filent comme des carpes et un défilé de parapluies rouges dégringolent sur l'herbe comme un champ d'énormes fleurs. Des galettes d'or miroitent sous des loupiotes : grâce à Noël Dolla, le parc devient une grande toile abstraite. Plus haut, sur la pelouse, le Norvégien Rune Guneriussen a posé des ribambelles de lampes de bureau à même la terre.

3 heures, centre sportif Pailleron

Ciel d'orage sur la piscine : Pierre Ardouvin zèbre d'éclairs la verrière du bâtiment classé. Légère angoisse, levée par la Light Machine posée par Xavier Veilhan dans la piscine adjacente : une image qui semble pixellisée, mais s'avère rendue par un simple jeu d'ampoules, guidées par l'informatique.

Par Philippe Dagen, Claire Guillot et Emmanuelle Lequeux

Publié dans Articles de Presses

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